Anorexie boulimie,
un trouble d’identité

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On s’en sort

Si je me retourne sur la route déjà parcourue, je peux dire que je suis passée de la peur de vivre à la sensation d’être enfin moi, à ma place, entourée des gens que j’aime et faisant le métier que j’ai toujours voulu faire.

Catherine Hervais, psychologue spécialisée dans les TCA

La mentalisation

L’écoute bienveillante des psys ne me faisaient pas avancer

Aujourd’hui il existe une approche de psychothérapie qui s’appelle la mentalisation. Elle s’inspire à la fois de la psychanalyse et de l’approche cognitive. Il est possible que la psychothérapie individuelle avec cette approche-là puisse donner de bons résultats (en dehors d’une approche en groupe ciblée sur les problèmes d’identité et relationnels.)
Mais en général la psychothérapie individuelle traditionnelle ne permet pas de s’exercicer à être quelqu’un quand on a l’impression de n’être personne.

« Puis l’année dernière comme j’allais vraiment très mal j’ai recommencé à aller voir un psychiatre. Alors là j’en ai vu 2 parce que celle que je voyais, elle voyait bien qu’elle n’arrivait pas à m’aider et m’a dit : « je vais vous envoyer à quelqu’un qui connaît mieux ces problèmes-là.

Mais à chaque fois, ce que je retrouve c’est un côté empathique mais empathique pas constructif. Ce n’est pas… enfin… le travers que je retrouve à chaque fois c’est une écoute bienveillante. Donc c’est bien mais on a tendance plutôt à s’apitoyer sur son sort, finalement, et le problème c’est qu’en face on ne te dit jamais ce qui ce qui fait que tu te sens mal, ce qui fait dans ta manière de penser fait que tu te sens mal.

Ça reste toujours à cause de l’environnement, de ton histoire etcetera. Sauf que, moi quand je vais voir quelqu’un, j’aimerais savoir comment je peux m’en sortir dans le présent, dans ma vie quoi. Peu importe ce que j’ai vécu avant si je me suis fait violer 3 fois… C’est plus le problème quoi !

Ça les psychiatres ils ne savent pas. Ils ont une réponse la plupart du temps médicamenteuse et puis j’ai appris j’écoute ils disent des choses qui sont les évidences comme : « Vous manquez de centres d’intérêts », « vous n’êtes pas encore stable dans votre vie » « c’est pour ça que vous n’allez pas bien. »

Sauf que c’est parce que tu ne vas pas bien que tu n’arrives pas à être stable dans sa vie. Je trouve que ce n’est pas constructif en fait. »

Mentalisation : Introduction

 

La mentalisation utilisée en psychothérapie alimente une approche qui, tout en s’inspirant des théories psychanalytiques, cognitives, humanistes et neurobiologiques, donne les meilleurs résultats avec les personnalités borderline, c’est-à-dire atypiques, émotionnellement hypersensibles et qui ont tendance à se marginaliser.

Ces personnalités, dites « borderline », peuvent avoir une intelligence et une créativité souvent au-dessus de la moyenne. Parfois elles n’en font rien et restent enfermées chez elles sans voir personne. Mais elles peuvent aussi bien avoir une réussite professionnelle hors du commun et être très bien entourées sur le plan familial. Néanmoins, les unes comme les autres se sentent en permanence à côté d’elles-mêmes, et s’attristent de regarder défiler leur vie sans s’y sentir vraiment dedans.

Quand on a ce type de personnalité, même lorsque tout réussit dans sa vie sociale, on se sent misérable. Sur un fond d’ennui, d’irritabilité, de fatigue, on réagit souvent avec une violence contre soi-même et/ou contre les autres. Pour se sentir vivant on ne trouve pas d’autre alternative que de se donner des sensations fortes, que ce soit au travers d’activités extrêmes ou en s’adonnant à des addictions apaisantes, bien qu’en même temps parfois destructrices.

Jusqu’à présent les psychanalystes et les psychologues s’épuisaient avec ce type de personnes. Ils ne savaient pas comment les aider. Car, adultes, elles ne parviennent pas à se connecter à elles-mêmes ni aux autres, « sauf en jouant à celle ou celui qui va super bien). Elles sont dans une demande massive de maternage, tantôt soumises, tantôt hostiles, parfois violentes. Aussi les thérapeutes parviennent mal à installer une alliance thérapeutique authentique et efficace.

 

La mentalisation

Mentalisation : de quoi s’agit-il ?

 

La mentalisation, c’est en quelque sorte avoir une démarche philosophique, douter de ce qu’on croit, de ce qu’on voit, du sens apparent des choses, de ses convictions spontanées. C’est apprendre à penser au-delà de ce qui nous paraît évident, c’est s’entraîner à se méfier de ses croyances, même quand elles nous paraissent évidentes.

Ces personnalités, jusqu’à présent, donnaient l’impression d’être hors de toute ressource psychothérapeutique. Aucune approche ne semblait réussir. La mentalisation, ou plutôt la psychothérapie basée sur la mentalisation, est à ce jour la psychothérapie qui s’avère la plus adaptée. L’expérience montre qu’elle a avantage à être utilisée préférentiellement en thérapie de groupe.

Contrairement à ce qui se passe dans les psychothérapies inspirées de la psychanalyse, le praticien en mentalisation n’a pas une posture neutre. Il dit ce qu’il ressent de l’attitude de son patient, sans chercher le pourquoi du comment, et il invite son patient à faire de même : que signifie telle émotion ? Comment la mettre en mots ? A quelle pensée correspond-elle ? A quelle attente, à quelle croyance est-elle reliée ?

L’idée est de s’entraîner à ne pas réagir à telle pensée ou à tel comportement, sans tenter non seulement de mettre ses émotions en rapport avec ses pensées, ses attentes et ses croyances, mais aussi de comprendre l’autre par le repérage des états mentaux sous-jacents à son comportement apparent. Par exemple : « l’autre devient agressif avec moi, mais est-ce bien contre moi qu’il en a ? Ce n’est peut-être pas le moment de lui poser la question, s’il est contrarié. Mais je peux d’ores et déjà imaginer qu’il est contrarié par quelque chose d’autre que moi. » Ou bien : « l’autre n’a pas fait ce qu’il m’avait promis, mais ce n’est peut-être pas par manque de respect. Il a peut-être tout simplement oublié, absorbé par quelque chose qui le préoccupait » …

 

La mentalisation

Sur quelles théories se base la mentalisation ?

 

Pour comprendre l’intérêt de cette approche, il faut revenir sur ce que l’on sait aujourd’hui du développement de l’enfant et sur sa capacité ou son incapacité à se décrocher de la personne d’attachement pour acquérir une liberté intérieure.
Quelle perturbation dans l’histoire d’une personne, fera qu’une fois adulte, elle se sentira à côté d’elle-même, de sa vie, comme si elle venait d’une autre planète ?

Il fut un temps où les psychanalystes pensaient que l’enfant n’avait pas eu, bébé, l’accompagnement dont il avait besoin pour acquérir de l’autonomie. Le psychiatre et psychanalyste, Winnicott, disait que certains adultes n’avaient pas eu, enfant, une mère suffisamment bonne. Pour lui l’enfant ne se sentant pas en sécurité ne pouvait se développer normalement sur le plan affectif. Au moment où il est sensé « lâcher » sa mère pour commencer lentement à trouver sa liberté intérieure, il échoue : soit il s’accroche à elle, fait tout ce qu’il peut pour lui faire plaisir, devient premier de sa classe, puis plus tard premier de sa promotion… Soit il s’éteint intérieurement, se désintéresse de tout, même de lui-même.

Aujourd’hui les psychanalystes ainsi que les spécialistes du développement de l’enfant, ont une conception plus large de ce qui a pu se passer, grâce aux apports de la neurobiologie. On sait qu’un bébé peut avoir une constitution émotionnelle hypersensible avec des troubles de l’humeur. Ainsi, même dans les meilleures conditions de maternage (ou de parentage) il pourra déjà tout bébé être perturbé par des troubles de l’humeur qui, répétés, pourront créer des traumatismes sans raison apparente extérieure.

Mais que l’enfant ait des traumas environnementaux ou des traumas crées par son hypersensibilité émotionnelle, il aura tendance à se replier sur lui-même et à ne pas se sentir vraiment relié aux autres. Un sentiment de solitude pourra commencer à s’installer assez tôt et s’amplifier jusqu’à devenir insupportable dès l’adolescence. Il se sent différent des autres. Il a tendance à vivre toute remarque comme une agression, toute frustration comme un drame. Il se sent seul au monde, incompris et très souvent cache sa souffrance intérieure par une bonne humeur ou une serviabilité forcée.
C’est dans son cas que la thérapie basée sur la mentalisation réussira particulièrement.

Bien que très intelligent, il ne sait pas se connecter authentiquement aux gens. Pour un rien il se sent agressé, moins bien que tout le monde, sans intérêt, transparent. Les autres lui font peur. Il craint leur jugement. S’il le pouvait, il disparaîtrait sous terre, tant il a honte d’être ce qu’il est.

Et pour clore le tableau, les évènements semblent lui donnent raison : Il est à côté de la réalité, il interprète tout en négatif ou en superlatif. Et s’il ne redouble pas de talent pour amuser son entourage, on le fuit, car on se fatigue vite de ses comportements affectifs excessifs ou totalement indifférents.

 

La mentalisation

Boulimie et mentalisation

 

On reconnait aujourd’hui, grâce aux recherches des psycholgues Peter Fonagy et Antony Bateman sur la mentalisation, que la psychothérapie basée sur la mentalisation donne de bien meilleurs résultats avec les personnalités dites borderline ou état limite. Mon travail de psychologue clinicienne depuis 30 ans auprès des personnes boulimiques m’a montré que c’était aussi le cas avec les personnes qui ont une addiction alimentaire sévère boulimique anorexique ou hyperphagique (voir notre article de boulimie.fr https://www.boulimie.fr/livres/sur-les-therapies/453-theorie-de-l-attachement-et-psychanalyse ).

La psychiatrie ne reconnait pas encore la boulimie anorexique et hyperphagique comme le symptôme d’une personnalité borderline qui selon les psychanalystes et les spécialistes du développement de l’enfant porte les conséquences d’un trouble de l’attachement survenu dans la petite enfance. Perter Fonagy, lui, parle de trouble de la mentalisation, c’est-à-dire une difficulté à mentaliser l’émotion que l’on ressent ainsi que la difficulté à mentaliser le comportement de l’autre : « maman est dans la pièce à côté et je ressens un cataclysme émotionnel comme si elle m’avait abandonné. Je ne mentalise pas qu’elle n’est pas très loin, qu’elle a quelque chose à faire et qu’elle ne m’oublie pas. »

Aujourd’hui, la psychanalyse et la neurophysiologie commencent à admettre que les personnes qui souffrent de boulimie ont des conséquences d’un trouble de l’attachement. C’est aussi la constatation qui découle de mes 30 ans de pratique.

Ces personnes sont nées avec une hypersensibilité affective qui entraîne un immense besoin d’attention. Si leurs parents sont angoissés ou insuffisamment disponibles dans les moments où, bébé, ils sont en demande, ils absorberont l’angoisse des parents et se retrouveront en insécurité.

Quand on a eu un trouble d’attachement, on est donc hypersensible depuis la petite enfance et cela se manifeste par le besoin de « coller » au désir de maman pour qu’elle soit aussi douce et aimante que possible. Si la personne d’attachement ne peut pas, pour des raisons personnelles et/ou environnementales, être suffisamment douce et disponible, l’enfant hypersensible, peut la vivre à la fois comme le seul repère auquel il peut s’accrocher, et en même temps comme un agresseur potentiel. Boris Cyrulnik dit de ce parent non pas qu’il n’est pas un bon parent, mais un parent qui n’est pas suffisamment sécure pour l’enfant (encore une fois parce que l’enfant est hypersensible).

Dans mon expérience de thérapeute, quand les parents sont doux, attentifs, joyeux et disponibles dans la première enfance, cela n’empêchera pas l’enfant hypersensible d’avoir à l’adolescence les conséquences de son trouble d’attachement. Si l’enfant hypersensible ne se sent pas sécure dans sa toute petite enfance, encore une fois non pas parce que les parents sont mauvais mais parce que le bébé est hypersensible, malgré des conditions idéales (parents amoureux entre eux, heureux d’avoir le bébé…), sans une attention douce et joyeuse suffisante, il pourra déprimer dès ses premiers jours. Il sourira peu, boudera souvent, montrera sa contrariété à la moindre occasion…

Les psychiatres en général hésitent à poser le diagnostic de personnalité borderline s’il n’y a pas un comportement violent et anti-social. Ils hésitent encore plus à envisager le diagnostic de personnalité borderline avec les personnes boulimiques anorexiques ou hyperphagiques boulimique, surtout quand la personne boulimique le consulte en lui disant : « j’ai un trouble borderline de la personnalité ».

On lit pourtant dans les manuels de psychiatrie que les personnalités borderline ont souvent des addictions, parmi lesquelles la boulimie anorexie. Mais les psychiatres n’en sont pas encore à relier systématiquement la boulimie à la personnalité borderline.

 

Comme le dit Peter Fonagy dans un article anglais récent (google traduit) (https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-019-2112-9) :

« Dans l’ensemble, les résultats de cette étude ont confirmé que les patients atteints de boulimie présentent des troubles de la mentalisation à l’égard de soi et des autres. De plus, les caractéristiques du trouble de la personnalité limite (ou borderline, c’est la même chose) se sont avérées jouer un rôle dans l’explication de ces déficiences en reliant partiellement la boulimie et certains indices de mentalisation. En conclusion, nos résultats soutiennent empiriquement l’hypothèse selon laquelle les troubles de la mentalisation pourraient être la clé de l’étiologie et du maintien des symptômes de la boulimie. On pourrait postuler que les symptômes de boulimie sont utilisés par les patients comme une stratégie d’adaptation inadaptée pour surmonter les difficultés émotionnelles et interpersonnelles résultant de l’incapacité à comprendre les comportements en termes d’états mentaux.

Les résultats de cette étude peuvent donc être utilisés pour éclairer les futures orientations de la pratique clinique. A cet égard, les patients boulimiques pourraient bénéficier du développement de protocoles de traitement visant à mettre en œuvre des capacités de mentalisation. Un essai randomisé de la Mentalization Based Therapy for Eating Disorders (MBT-ED) a été publié avec des résultats prometteurs (…). À son tour, l’amélioration de la mentalisation pourrait conduire à de meilleurs résultats du traitement et à des taux de rechute plus faibles. Cependant, des recherches supplémentaires seront nécessaires pour valider davantage cette hypothèse. »

Ainsi, dans l’état actuel de la recherche, les apports d’une approche thérapeutique basée sur la mentalisation font espérer une réelle amélioration à venir dans le traitement de la boulimie, ce qui pour moi est clairement confirmé par l’expérience de ma pratique qui fonctionne empiriquement sur les principes de la mentalisation.

 

(Je vous recommande aussi sur youtube la conférence d’une chercheuse en neuro-sciences, Catherine Guegen, sur l’univers affectif du bébé. https://www.youtube.com/watch?v=DvcJtn7ZCfU)

4/ Les thérapies traditionnelles

En écoutant ces témoignages vous verrez que les thérapies traditionnelles ne sont pas assez adaptées à la personnalité hypersensible des anorexiques boulimiques.

Boulimie et thérapie - Elle intellectualisait trop quand elle était en psychothérapie individuelle
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